
Demain, enfin tout à l'heure, c'est jour de marché, à Apt. Au fil des années, ma ville m'est devenue fadasse, peut-être à l'usure de mes semelles dans ses rues et recoins. Je n'affectionne plus qu'à l'occasion ses cafés, ses manières de "porte des Alpes", et sa population de tarés, légendaire. La dernière qu'on m'est raconté parle d'un certain Visbert, photographe qui tenait une boutique à la place de la pharmacie proche de la cathédrale, et qui photographe de jour se déguisait la nuit en "vengeur masqué" et portait un costume de super-héros home-made. Il terrorisait les jeunes garçons, qui embauchaient tôt le matin comme mon père à l'époque apprenti pâtissier. Bref..
Il y a cependant une "institution" pour laquelle je garde toute mon affection : le samedi matin, du "course" à la "bouquerie", la ville devient "Le marché". Depuis des années, j'y ai trainé mes baskets, mes docs violettes, mes pieds nus, selon la saison et les rencontres. Mémorables moments de folie, ces week-end dans le week-end ont bien souvent suivis des vendredi sans dormir pour précéder une soirée sur une autre planète. Du non-stop. Mille rencontres fortuites, savoureuses ou décisives, autour du premier café ou d'un 17ème pastis. Mille histoires entrebâillées sur mon cabas chargé de cerises, de cacahouètes naturelles, de tracts, de tapenade ou d'un carton de 45 tours, mais toujours avec un baguette de bon pain comme antenne. La tome de chèvre (frais, demi-sec au poivre ou sarriette, "fait" crémeux à déguster et/ou sec à raper dans les pâtes..) les olives (cassées de nyons, au basèli..) , la course aux mots fléchés de Nestor à l'avant dernière page du "provençal ",véritable enjeu du samedi matin, entre tout bon amateur de torcher la précieuse grille avant les autres, qui sera vue à peu près 7500 fois dans la matinée ;)
Parmi les nombreux bistrots que compte Apt, la plupart sont synonymes d'une époque ou d'une ambiance, que je retrouve un court instant quand j'y repasse boire un verre. Le Grég, place de la Bouquerie, tient le haut du pavé pour les rencontres sabbatiques depuis des dizaines d'années. Chacun fait son "tour de marché", et s'y retrouve ou s'y croise, pour un chocolat ou un apéro qui durera à coup sûr jusqu'au soir. Le Central, c'est là que je retrouve Jules quand il n'est pas à son stand, avec Robert ou Dédé-la-Canne. Son stand, idéalement placé à l'angle de la rue des marchands face à la mairie, c'est un univers de roman. Un court métrage à chaque fois. On y va tous de ses histoires marrantes ou tragiques, et je m'empresse à peine arrivé d'aller chercher des demis ou ballons au Central juste à côté. On fume, on bois, on interpelle les passants, on raconte surtout des conneries. La dernière fois j'y ai croisé Jean-Mathieu, philo-guitariste multifonctions, qui m'a sorti cette jolie phrase "L'homme habite une chambre dont il repeint les murs avec ses rêves".. sympa ?
Vivement demain ! C'est l'heure d'aller s'pieuter..
5 commentaires:
Ça donne envie de se prendre un recul de quinze piges, et de se retrouver rue eugène Brunel, avec Bernard, Gitane au bec, croulant sous les commandes, Etienne ,le plateau surchargé, nous balançant des coups de tiag pour se frayer un passage "les sacs, bordel!", Marie au tabac, la terrasse bondée, les grandes gueules des forains, puis, au fil des heures, des retrouvailles, la foule qui peu à peu regagne ses appartements, ses montagnes, et nous, les pieds dans les mégots et papiers de sucre, la marée passée, l'écume aux lèvres, brisant le sérieux et les conjonctures, les embruns de boissons diverses derrière la cravate, témoins éternels du moment historique que l'on vient de partager...
HISTORIQUE! (millau 2000)
Je revois comme à travers un objectif fish-eye des silhouettes familières : Hafid, Michèle Gros-Yeux, René Bruni, Yvan Magnani, Sophie qui suçait ses cheveux, Jean-Michel dit "Bretelles", Dimitri et Serguei, Philoche, Mengue, Yannick Mira, Grafignette, Betty... Tu peux compléter !
Estelle qui embrasse Régis après avoir **** Alex par exemple?
Pierre Sitar le regard vague et la voix éraillée; Jacques d'Arpège qui ne nous racontera plus jamais d'histoires salaces; Griffon et son sourire malin; Nounours et son noeuneuil; François qui matte une meuf tout fort; Seb le cordonnier qui n'ouvrira pas à l'heure; Naps speed et vénère; Ralf qui commande une Carlsberg; la mère à Charly qui braille comme une poissonnière; Augier le futal souillé, mais digne et debout; et j'avais sophie qui s'endort sur un Nuts mais c'est déjà pris...
Je vous vois tous comme si c´était hier. Une partie de mon coeur y retourne de temps en temps.
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